Je n'ose pas te demander comment tu vas.
Je n'ose
pas te demander quoi que ce soit, en fait. Tu ne veux pas que sache. Alors je
ne sais rien. Je ne sais pas ce qu'il se passe quand tu es à côté de moi. Je ne
sais pas où tu es. Pas vraiment là. Pas vraiment ailleurs, d'ailleurs. Je force
mon sourire, ris un peu trop fort à tes éternelles vannes.
"Regarde, on est heureux".
C'est fatigant.
Mes joues me font mal. Tu n'es pas dupe, je ne le suis pas non plus. A
quoi on rime ? Genou, caillou, hibou, dégoût.
Ça te fait quoi quand j'essaie de te toucher ? Je
les vois tes sursauts. Tes soupirs contenus. Je les ignore, je me dis que je
les imagine, que c'est pas moi, que c'est autre chose. Ça marche un peu. Je
retourne à mes zygomatiques, et tu es soulagé. Un peu de répit. Pour combien de
temps ? Je vais pas pouvoir éviter d'avoir besoin de toi, je vais pas toujours
pouvoir prétendre que rien ne me touche.
Genou, caillou, debout. Dix heures de tranquillité.
Dix heures à se préoccuper de choses sérieuses. De choses matérielles et
rassurantes. Ces soucis-là sont rassurants quand on essaie d'éviter de penser à
ce qui gêne vraiment. Je ne sais rien, je ne veux pas savoir. Je ne veux pas
savoir que tu te remplis constamment de vide parce que tout chez moi t'agace
désormais. La façon dont je tortille cette petite mèche trop courte de ma
nuque, parce qu'elle ne tient jamais dans mes chignons. Les chansons que je
fredonne quand tu es silencieux et que
je sais pas quoi dire. La tête que j'ai au réveil. La tête que j'ai au coucher.
La tête que j'ai la journée. Ma voix. Mes tics de langage, que tu trouvais
pleins de personnalité, avant. Mes insécurités. Mes fiertés.
Genou, caillou, relou.
Genou, caillou, c'est tout.